vendredi 17 octobre 2008

Le 17 octobre

C'est la date d'aujourd'hui, me direz-vous.
Et le 17 octobre 1961, alors ?
Ce jour-là, alors que la guerre d'Algérie fait encore rage, une manifestation rassemble les travailleurs algériens venus des bidonvilles autour de Paris pour protester contre le couvre-feu qui vient de leur être imposé par le préfet Papon. Le bilan, terrible, des répressions policières, fera longtemps l'objet d'une véritable omerta : trois, selon la version officielle, ou plusieurs dizaines, voire centaines selon d'autres sources ? Battues à mort jusque dans la cour de la Préfecture, jetées à la Seine - un médecin parlera des "noyés par balle" -, les victimes vont attendre de longues années avant que leur nombre soit officiellement reconnu.


Illustration de Donald Grant

Didier Daeninckx a pris cette manifestation comme point de départ de son "Meurtres pour mémoire", paru en 1984, d'abord dans la Série Noire, puis en Folio. Longtemps, ce roman a été le seul texte qui donnait de l'événement une version autre que la version officielle. En outre, l'intrigue historico-policière tricotée par Daeninckx lui permettait de mettre en relation la guerre d'Algérie et la seconde guerre mondiale, par le biais du sinistre personnage qui officiait aux deux époques : Papon - bien qu'il ne soit jamais nommé dans le roman.





Sept ans après, je choisis ce titre pour l'illustrer. Le livre sort fort opportunément en octobre 1991, pour les 30 ans de la manifestation, dans la toute nouvelle collection Futuropolis/Gallimard - Série Noire. À raison d'une illustration toutes les deux pages environ, cette édition comporte plus de cent dessins. Je la crois désormais, malheureusement, introuvabe, même d'occasion. Pour les vrais mordus - un peu argentés, quand même - quelques originaux sont en vente ici. Et puis je ne perds pas espoir que l'actuelle maison Futuropolis réédite l'ouvrage, pourquoi pas en 2011 (!), pour les 50 ans de la manifestation...





En attendant, voici qu'en cet automne 2008, ces "Meurtres" désormais classiques reparaissent justement dans la collection ClassicoCollège, coéditée par Gallimard et Belin.
On ne peut que se réjouir de voir ce "virulent réquisitoire contre la lâcheté et contre l'oubli", pour citer l'introduction, réédité à l'intention des classes de 3e, complété par tout un dossier historique et pédagogique.
Mais pourquoi avoir choisi ce visuel de couverture, parmi les cent de l'édition précédente ?

D'abord, l'illustration originale est toute différente dans son cadrage :

Le meurtre de Bernard Thiraud, pp. 66-67

Gallimard m'ayant contactée, je leur suggère plutôt celle-ci :

"Roger Thiraud était fasciné..." p.49

ou celle-ci :

Le camp de Drancy, pp. 284-285

ou encore cette dernière, à condition de l'inverser droite-gauche :

"Pitchipoï, Pitchipoï, Pitchipoï..." p. 288

Mais on me répond que cela ferait double emploi avec les quelques photos qui figurent dans le livre - ce qui est vrai sans l'être.
Les images que j'ai proposées sont sûrement dérangeantes par leur violence. Mais que penser du choix retenu, d'un visuel finalement très anodin, très "polar" au sens creux du terme, ignorant toute la dimension engagée du texte de Daeninckx ? Et puis, que penser de la maquette ? (Oui, j'aurais pu, par charité, ne pas poser la question...)

Didier Daeninckx parle de "Meurtres pour mémoire" sur Amnistia.net

Aucun commentaire: