jeudi 17 juillet 2008

Maîtres anciens

"Le cygne ne se lave pas tous les jours et reste pourtant toujours blanc ; le corbeau ne se brunit pas tous les jours et demeure pourtant toujours noir. Le blanc et le noir sont des couleurs propres et l'on n'a pas à en discuter"
Bruno Minard avait choisi ce court texte de Tchouang-Tseu comme exergue à la préface qu'il écrivit pour "Ringard !", bande dessinée que j'ai réalisée il y a vingt-cinq ans.

Un premier exemple du vrai usage du noir et blanc, par la pure opposition de ces deux couleurs "propres", sans presque aucun recours au trait, est la fameuse planche 26 de "La ballade de la mer salée" de Hugo Pratt.

Hugo Pratt

Enfin, fameuse, peut-être pas tant que ça : j'ai cité littéralement la case 5 de cette planche dans la planche 2 de "Haro sur la Bouchère !" et personne ne s'en est rendu compte - à part mon éditeur Thierry Groensteen et mon frère Pierre.

La ballade...

Haro...

Dans les années 1980 paraissait une revue formidable animée par ce même Thierry Groensteen, à laquelle je fus abonnée jusqu'à ce qu'un remplacement brutal de l'équipe de rédaction la rende totalement inintéressante : "Les Cahiers de la Bande Dessinée". Mon deuxième exemple est extrait du numéro 66, consacré à Milton Caniff et aux USA.

Milton Caniff

Ce fut une expérience étonnante pour moi que de découvrir le maître APRÈS le disciple.

Autant dire que ces trois maîtres anciens - Tchouang-Tseu, Caniff et Pratt, si vous m'avez suivie - sont penchés sur mon épaule alors que je travaille sur mon prochain album. Je n'ajouterai rien à ce que Rodolphe en dit dans le dernier numéro de BoDoï, d'autant moins que je n'ai pas lu cet entretien. Je tairai aussi les commentaires que marmonnent les trois maîtres dans mon dos.












Pour conclure, j'ouvre au hasard "Maîtres anciens" de Thomas Bernhard, et je tombe sur ceci :
"L'art est ce qu'il y a de plus grand et en même temps de plus répugnant, a-t-il dit. Mais nous devons nous persuader que le grand art, l'art sublime existe, a-t-il dit, sans quoi nous désespérons. Même si nous savons que tout art finit dans la maladresse et dans le ridicule et dans les poubelles de l'histoire, comme d'ailleurs tout le reste, nous devons, avec une assurance parfaite, croire au grand art et à l'art sublime, a-t-il dit".

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